Premiers instants de découragement pour moi cette semaine. Enfin, ce n'est pas du tout les premiers (!!) mais disons qu'ils sont un peu plus difficiles à surmonter aujourd'hui que les autres jours... C'est peut-être aussi l'accumulation de toutes les petites choses tassées dans les coins en attendant le grand ménage? Je disais que
je me posait des questions récemment, et bien j'ai reçu quelques réponses avec mes dernières péripéties...
J'hésite beaucoup à raconter les difficultés rencontrées puisque ça donnera raison à un paquet de monde qui remettent en question le travail des OSBL ou ONG ici en Haïti, particulièrement. Mais il faut considérer tellement d'éléments, en commençant par l'éducation et la culture des gens d'ici avant de remettre en question l'aide et la formation qu'on apporte. C'est essentiel de rester ouvert et de tenter de comprendre même si parfois c'est difficile.... comme ça l'est un peu pour moi depuis hier. Je parlerai d'audioprothèse alors pour ceux qui ne se sentent pas concernés, passer votre chemin!
Ça commence hier matin avec un patient qui se pointe avec une prothèse défectueuse. Je remarque que l'embout n'a pas été fabriqué sur mesure pour le patient par la technicienne. Elle a tout simplement pigé dans sa boîte de vieux embouts pour trouver quelque chose qui allait à peu près pour le patient. Quand j'ai questionné la technicienne, elle m'a fait toute une histoire; le patient a perdu son embout (et pas sa prothèse!!??) et elle lui a filé un vieil embout pour le dépanner, il ne voulait pas payer. Bon. OK.
Ça continue avec une autre patiente qui se plaint que la prothèse ne fonctionne pas. Elle aussi porte un embout usagé mais en silicone, tout bouché de cérumen. La technicienne me refile la prothèse pour que je vois ce qui se passe. Elle me dit que l'embout sur mesure qu'elle lui avait fabriqué (en lucite, matériau dur) lui faisait mal. Bon... Avec le recul, je sais que j'aurais dû regarder ça avec elle, lui montrer ce qui n'allait pas et faire le travail avec elle ou encore mieux, le lui faire faire, en la supervisant. Mais j'étais trop fâchée pour avoir du tact et je voyais bien qu'elle n'avait pas envie de s'en occuper... La prothèse fonctionnait mais n'étant pas vraiment équipée pour faire de nettoyage en profondeur, j'ai refilé une autre prothèse à la patiente. J'ai changé le tube de l'embout. Pas moyen de savoir si les dires d'Arlette par rapport à l'embout étaient véridiques, la patiente ne parlait pas français. Avoir le test d'audition de la dame pour faire l'ajustement de la prothèse? Ça fait longtemps qu'elle est venue, c'est compliqué à trouver... Bla bla bla.. Bon... J'ai ajusté sa prothèse de la même façon que l'ancienne. Le pire dans tout ça c'est que cette personne est ressortie satisfaite. Je sais que j'ai un peu fait fit de la façon de faire de la technicienne puisqu'en principe la patiente aurait dû payer pour une nouvelle prothèse, mais bon, à défaut d'avoir un embout sur mesure elle aura au moins une prothèse qui marche. Il m'est passé par la tête de tout #"$%?&* les vieux *&%?$#" embouts poisseux qui traînent dans les armoires du local d'audioprothèse... oh la la!! je me retiens...
Et ça continue encore avec des TDH 39 intermittents à l'oreille gauche (au secours!); le fil est à découvert à certains endroits... En faisant un test, je questionne la technicienne "Est-ce que la patiente t'a dit qu'elle entendait mal avec son oreille gauche?" ce à quoi elle me répond oui. Je doute, la technicienne va vérifier et on s'aperçoit que les seuils remontent magiquement... à mon grand désespoir. Elle me dit qu'elle le sait depuis longtemps, mais pas la seconde technicienne en cours de formation qui travaille aussi à l'audiométrie. Je soupçonne quelques surdités à l'oreille gauche diagnostiquées par erreur à certains patients...
Ça se termine par une discussion avec un ophtalmologue, directeur médical et Africain d'origine, sur l'éducation et le travail en Haïti. C'est un constat attristant, mais les jeunes ici s'instruisent en apprenant leurs leçons par cœur (ça arrive souvent de les voir réciter à voix haute ici et là, parfois sur le terrain de l'hôpital, parfois dans un bar ou un café), pas de place pour le développement de la pensée critique et de l'initiative. Le travail est machinal dans la plupart des cas, c'est la reproduction des gestes après une période d'observation, sans se poser de question. Comprendre pourquoi on fait ces gestes? Ce n'est visiblement pas la priorité...
La conclusion: baisser les bras...?
Non, jamais, pas question!!!! Il faut juste tenter de s'insérer dans cette réalité et essayer de la faire évoluer, petit à petit... très petit à très petit... ce que je m'efforce de faire ici... avec patience.